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Des habits pour une parenthèse historique

Par Rémi Dupré | 5/04/2009 | 942 visites |  Imprimer  |  Envoyer à un ami  |  

Chaque semaine, de nombreux franciliens se travestissent pour vivre l’idéal des rites médiévaux aux Caves Saint-Sabin à Paris.

La file d’attente se veut interminable et obstrue déjà l’escalier. Dans ce lacis de couloirs froids, une cohue badine se dirige vers les caves rougies par les lumières tamisées. Entre deux paysannes aux bustiers de toile enrubannés, un jeune homme revêt une panoplie d’écuyer à damiers jaunes. Il vient de la louer pour quelques heures. Ici, le costume est obligatoire.

Chaque jeudi, aux détours des 400 mètres carrés obscurs constituant les Caves Saint-Sabin près de la Place de la Bastille, à Paris, une foule bigarrée tend à reconstituer les rites festifs de l’époque médiévale. Alors que l’hydromel à base de miel ambré dégouline des cornes qui s’entrechoquent, Gaëtan, 20 ans, étudiant en philosophie, s’attable à proximité du fracas des tambourins.

« Aëltras », c’est ainsi qu’on le surnomme sous ces voûtes depuis deux ans. La barbe drue et le cheveux long, ce passionné « d’escrime allemande du XVe siècle » vient de monter à Melun une association reconstituant les batailles médiévales en « grandeur nature ». Arborant une cuirasse en acier chromé, « un investissement de plusieurs milliers d’euros », Gaëtan fustige tout rapprochement avec la démarche du Puy du Fou vendéen :

« Ici, quatre-vingts pour cent des participants sont d’authentiques médiévistes. Il s’agit d’une plateforme communautaire. Pas d’une vogue commerciale ou touristique. »

A scruter ces coiffes tressées et autres peaux de bêtes argentées, on devine le degré d’implication de chacun à travers son habillement. Sous les néons verdâtres, une ronde dansante s’initie aux vibrations d’une cornemuse. Pas loin, camouflant l’écran plasma agrippé au mur, Guy, la cinquantaine enjouée, méduse trois jeunes femmes en jouant du luth.

Des motivations variées et complexes

Amorcé en 2003 « sur proposition des clients », l’événement cristallise « le besoin de basculement temporel des médiévistes ». Propriétaire des Caves Saint-Sabin, Thierry, reconnaît la réussite de son entreprise attirant « un milieu socio-culturel plutôt élevé ». Il a établi un partenariat étroit avec des artisans spécialisés dans l’outillage médiéval.

L’un d’eux, Marc, 35 ans, titan à la barbe charbonneuse vient d’abattre une masse à ailettes contre un ballot de paille dans une salle voisine. Représentant de l’association Rêves d’acier qui reproduit l’armurerie d’époque, il se prépare à défier un participant pour une simulation de joute à l’épée. « La fascination guerrière motive souvent les médiévistes » souligne-t-il.

Ces valeurs chevaleresques semblent avoir suscité l’engouement de Ludovic, au chômage depuis six ans. « Retrouvant l’honneur des champs de bataille » au sein de sa troupe de spectacle équestre, il loue en polissant son heaume « la convivialité du cercle ». En dépit de son statut précaire, il a également consenti à une forte dépense pour sa tunique de Templier du XIIIe siècle. Et confie :

« Afin d’oublier fugacement cette actualité foireuse, je préfère payer pour m’évader. »

Entre recherche d’un refuge historique et attachement à une mythologie héroïque, les raisons de cette inclination sont complexes.

Pour Michelle, en robe blanche de courtisane, universitaire à la retraite, « l’imaginaire collectif prime sur l’exactitude des faits ». Jadis spécialiste de cette « époque noircie par les historiens et récemment réhabilitée », cette grand-mère fêtarde ne se fait pas d’illusions. « Si nous faisions du cent pour cent historique les gens ne viendraient plus. »

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