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Glaner sur les marchés par choix… ou par obligation

Par Caroline Lumet | 2/02/2009 | 891 visites |  Imprimer  |  Envoyer à un ami  |  

En fin de marché, un étrange ballet se déroule. Là où l’instant d’avant se dressaient les étals des maraîchers, à l’endroit où se pressaient les clients, quelques personnes discrètes s’emparent des lieux. Des “glaneurs de marchés”. Ils sont étudiants, retraités, RMIstes, sans-abri ou simples pros du système D. Certains sont là par conviction, d’autres n’ont pas le choix.

Le marché de Barbès à Paris (gillesklein/flickr).

Passé quatorze heure, le marché de Bastille à Paris, n’appartient plus aux commerçants, qui ont remballé, et pas encore aux passants. Dans quelques minutes, les agents de la mairie nettoieront la chaussée à grands coups de jets d’eau.

Dans ce bref laps de temps, ils arrivent. Jamais en groupe et rarement à plus de deux. Ils ne se toisent pas, sans s’adresser la parole. Ils évoluent au milieu des cagettes, des feuilles de salades et de multiples cartons pour se servir parmi les fruits et les légumes délaissés.

Les glaneurs doivent être ponctuels, car sitôt les agents arrivés, le nettoyage commence. Les denrées que les commerçants avaient placées avec soin dans une cagette se retrouvent vite entassés avec les détritus.

« Ce qu’on prend, vous auriez pu l’acheter il y a à peine cinq minutes. »

La plupart des glaneurs sont des habitués. À force de les croiser, certains marchands leur mettent des produits de côté. Comme Louisette : « Il y a un papi roumain qui vient régulièrement, il est toujours poli alors je lui donne directement. » Henri, son voisin, renchérit : « Entre nous, on se dit qu’il vaut mieux donner que jeter. ». Mais tous n’ont pas cette ouverture d’esprit, au loin un homme s’écrie : « Tiens, voilà les rats. »

Gisèle, une des glaneuse, rétorque : « C’est parfois dégradant, surtout quand on surprend les paroles ou les regards de certains passants, mais ce qu’on prend, vous auriez pu l’acheter il y a à peine cinq minutes. ».

Mathilde, étudiante en psychologie, estime dénoncer les travers de la société de consommation en glanant : « les vendeurs préfèrent jeter ce qu’ils soupçonnent ne plus pouvoir être vendus. Pourtant les légumes et les fruits que je viens de trouver sont loin d’être pourris, ils sont encore largement consommables. »

Elle concède que c’est aussi un moyen de ne pas dépasser son budget : « Rien que le logement ici c’est la ruine, et les produits frais sont de plus en plus chers. »

Pour d’autres, écumer les marchés est le seul moyen de se procurer certaines denrées, comme Shanel : « On nous dit de manger équilibré, je suis d’accord. Mais je ne peux pas acheter des fruits tous les jours, il n’y a qu’ici que je peux m’en procurer ».

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