Royal : la “femme debout” est devoilée au fil des pages
Pour dépasser la barrière du discours de Ségolène Royal et essayer de mieux la comprendre, « Femme Debout », livre d’entretien, est un outil inédit et déroutant.
Ségolène Royal est complexe. Françoise Degois, journaliste politique à France Inter, s’est entretenue douze fois avec elle. Son livre fait pénétrer le lecteur dans l’esprit de la « reine du Poitou ». Son personnage, « kaléidoscope », est pour elle un « tourbillon permanent qui emporte, agace et désarçonne ». Une femme au « courage à tout épreuve, toujours dans le coup d’après », mais à la « désorganisation mortelle ».
Les deux femmes entretiennent une relation à la fois complice et tendue. Pour la journaliste, Ségolène Royal est faite du « même bois » que Mitterrand, Chirac et Sarkozy. Tout du moins, elle en a l’égo. Ce qui lui fait déclarer : « Je ferais un très bon chef d’Etat. » Car même de façon ingénue, les 275 pages du livre sont constellées de touches mégalomanes et loufoques :
« Il y aurait un cataclysme, je ne serais pas à la rue. Je serais leader. Quand le soleil se coucherait, je dirais, on va se coucher. Quand le soleil se lèverait, on irait travailler.
« La terre est un petit caillou et moi je veux utiliser ma vie [...] pour changer ce monde. [...] Je ne sais pas si mon meilleur spin doctor, ça n’est pas moi même. Obama n’a rien inventé. La France et le parti n’étaient pas prêts. La prochaine fois, ils le seront. »
Royal rode ses concepts et se prépare ouvertement pour 2012. Elle défend son « ordre juste » relifté en « force douce ». Elle répète vouloir être un remède au « dessèchement » de la politique. Surtout, elle se positionne lentement sur un créneau porteur : l’écologie. Elle projette ainsi de faire un documentaire sur le réchauffement climatique comme l’a fait Al Gore avec son film « une vérité qui dérange ».
Pourtant, la chef de file des comités Désirs d’avenirs se vante : « J’ai parfois dix trains d’avance, les autres galopent derrière. »
Une « sagesse en fonction des situations »
Elle cite aussi René Char : « Tous ceux qui me critiquent feront pareil dans quelques années. » Et rajoute, provocatrice : « Ça n’est pas ma faute si je donne des boutons aux aigris »
Pour Françoise Degois, « il n’est pas né celui qui lui fera admettre qu’elle s’est peut être trompée. » L’ancienne candidate explique ainsi son échec : « J’aurais eu les mêmes moyens que Sarkozy, j’étais élue haut la main. Mais je combattais avec une fourchette et eux avec des bazookas. » Interrogée sur les moments de confusion de la campagne présidentielle, Royal évoque une « sagesse en fonction des situations ».
Sans se remettre en cause, Ségolène Royal n’a pas de mots assez durs sur la direction du Parti socialiste : « Ils m’ont laissé seuls pendant la campagne car ils ne supportaient pas d’être battus à la régulière par la boniche. » Elle poursuit, avec un humour provocateur :
« Au PS, si on continue comme ça on finira en squelette. On en est déjà quasi à l’os. Ou au trognon. Au moins, c’est biodégradable. »
L’ex-candidate arrive juste à admettre sa « voix de crécelle ». Car même sa mère lui recommande de poursuivre ses efforts pour s’améliorer dans ses discours.
François Degois enrobe ses entretiens de beaux textes de décryptages qu’elle appelle des « rampes ». Dans l’un d’entre eux, on apprend que Ségolène Royal est capable de lucidité et, le 8 août 2008, de douter profondément. Chose rare, elle dépose « l’armure ». Démontrant le « sens politique » dont elle se vante, Royal prédit : « Si je prends au final la décision d’aller au congrès, ils me battront et je veux qu’ils me battent. Je veux qu’ils assument jusqu’au bout. »
Sa conclusion : « La prochaine fois, il ne faut pas se louper. Alors je me structure. Je m’organiserai mieux. » Comme si 2007 n’avait été qu’un brouillon.
- Ségolène Royal femme debout, de Françoise Degois. Ed. Denoël, 275 pages, 19 euros.
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