Camden Town : le marché made in Londres
A chaque capitale son attribut. Il y a Paris la romantique, Rome l’historique, Amsterdam la permissive… Et Londres l’excentrique ! Une fois Buckingham Palace, Big Ben et les arcades de Covent Garden fixés sur la pellicule, Londres accepte de se révéler telle qu’elle est. Aux hauts lieux du tourisme prédigérés, les habitués et les curieux préfèrent vite l’insolite marché aux puces de Camden Town.
Les stations de la Northern Line (ligne de métro desservant le marché) défilent. A peine franchi le seuil de l’Underground (comprendre : le métro dans la langue de Shakespeare), le choc culturel frappe. Les passants semblent tout droit sortis d’un film de Tim Burton. Le premier effet de surprise s’estompe, le franco-français s’étonne alors : personne d’autre que lui ne réagit à cette marée humaine bariolée. Pas même un haussement de sourcil face à la poupée manga aux cheveux roses d’une douzaine d’années.
Premier acte. La rue plante le décor, les façades arborent des gargouilles au-dessus des enseignes commerciales. Là un dragon à la gueule ouverte, ici une botte, à perte de vue des araignées, scorpions et autres poupées aux pauses suggestives. Sur les trottoirs des punks manifestent. Rectifications, il s’agit en fait d’hommes sandwiches qui indiquent le chemin de leur stand de Doc Martens.
Acte deux, plus dépaysant encore. Sur le pont en pierre qui enjambe l’écluse, des fumets appétissants poussent le badaud à porter son regard vers les rives qu’il surplombe. Le contraste est saisissant : sur les bords, des échoppes ont poussé tels des champignons. Les vendeurs y proposent toutes les nourritures du globe. Des odeurs sucrées de desserts marocains flirtent avec celles des épices des samossas (petite bouchée indienne). Les papilles sont titillées par les stands antillais, jamaïcains ou encore asiatiques. « Les cuisines du monde sont ici réunis. On peut manger chinois, indien, boire un thé à la menthe ou fumer un narguilé », témoigne Vincent, un étudiant de 25 ans.
Un seul met n’est proposé sur aucune des cartes : le célèbre « fish and chips ». L’Angleterre renierait-elle sa culture culinaire ? Réponse unanime des passants : « On peut trouver des fish and chips partout dans Londres, mais un seul endroit propose une offre si diversifiée de plats au mètre carré ! ».
A chacun son univers, des boutiques pour tous
Ces marchands de saveurs semblent garder l’entrée du marché. En hauteur, une fresque en relief retrace l’histoire du lieu. Des chevaux en bronze, grandeurs nature, piaffent d’impatience. C’est dans ces anciennes écuries construites en brique que s’établit le Stable Market (stable signifiant box). Levée de rideau sur le lieu de convergence des fétichistes de tous ordres, aficionados de la mode ethnique, accros de gothique, fondus de heavy métal, et des désabusés à la recherche d’un cadeau original. A l’abri du crachin londonien les passants s’enfoncent dans un univers de bric-à-brac. Ils flânent dans un dédale de ruelles qui s’enroulent et se déroulent. Pas de plan ni de guide, c’est au petit bonheur la chance, en laissant la montre au vestiaire, qu’il faut pénétrer dans le marché.
Figure de proue de la nouvelle mode tecktonik, Cyberdog est l’une des plus grandes boutiques du marché. Un magasin 100% non conventionnel qui joue avec les tabous de la nuit. A l’entrée un DJ mix les tubes du moment, alors que la lumière blanche donne des allures de boîte de nuit. Quelques mètres plus loin, le mot d’ordre est diamétralement opposé : tenues de soirées exigées. Les clientes se mettent à rêver d’un cocktail où elles pourraient porter la robe repérée.
Pour se remettre des émotions en pagaille, un petit coin a été préservé dans les écuries. Dernier acte. A l’extrémité sud du marché, un bar a sa place dans l’un des boxes. Le client commande au comptoir, et choisit ensuite une place dans la dizaine de stalles disponibles. Chacune a son ambiance : caraïbe, noir et blanc, ou amazonienne. Un peu plus loin les panneaux de bois ont été retirés pour ouvrir un grand espace d’exposition et de concert. Car pour prétendre connaître Londres, il faut avoir l’esprit ouvert de ceux qui fréquentent Camden Town.
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