La médecine généraliste se réorganise
Les généralistes se regroupent pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée. Un choix qui peut être aussi bénéfique pour les patients.
Sur la façade du cabinet médical de la commune vendéenne de Landeronde, à deux pas de l’église, sont accrochées trois plaques. Sur celles-ci, trois noms de femmes : les docteurs Marie-Jeanne Grit, Pascale Renaut et Aurélie Berthome. Mais plus que les lieux, c’est la même clientèle qu’elles partagent ici.
Marie-Jeanne Grit et Pascale Renaut s’y sont installées, il y a huit ans. C’est alors une pratique courante de s’associer pour réduire les frais et charges d’un cabinet ainsi… mais nettement moins habituel de partager la même clientèle.
Pour le Dr Renaut, c’est pourtant la meilleure solution pour réduire son temps de travail et se dégager plus de disponibilité pour sa famille. « Lorsque j’étais étudiante, une maître de stage m’a confié qu’elle n’avait pas vu ses enfants grandir, se souvient-elle. Moi, je n’avais pas envie de n’être présente auprès de mes enfants que le dimanche. » Aujourd’hui, à 45 ans, elle conduit ses trois filles à l’école au moins deux jours par semaine. « Ça reste peu mais c’est déjà ça », sourit-elle.
Dans le cabinet, il n’y a que deux salles de consultations. Chacune se relaie. Ainsi, elles disposent toutes de trois demi-journées libres par semaine. « Enfin, sur le papier », précise Pascale Renaut. Régulièrement appelées en urgence, leur temps de travail reste très élastique.
« Chez les médecins généralistes, un temps partiel reste bien au-dessus des 35 heures mais en deçà des 60 à 70 heures de la plupart des médecins travaillant à temps plein », précise Marie-France Le Goaziou, médecin généraliste et professeure associée à l’Université Lyon-I qui a réalisé une étude sur la qualité de vie des femmes médecins.
Ces dix dernières années, la profession s’est nettement féminisée. D’après les données du Conseil national de l’Ordre des médecins au 1er janvier 2007, les femmes représentent 38 % des effectifs des médecins généralistes mais sont majoritaires chez les moins de 40 ans et parmi les étudiants en médecine. « Demain, 70 % des médecins seront des femmes », précise Anne-Chantal Hardy-Dubernet, sociologue spécialiste de la médecine. « Et parmi ces nouvelles arrivantes, elles sont nombreuses à vouloir diminuer leur charge de travail pour tenter d’équilibrer temps professionnel et temps privé. »
Travailler moins, c’est aussi le souhait des hommes…
Mais cette nouvelle organisation du travail n’est pas l’unique souhait des femmes. « Il s’agit d’une transformation plus générale de la profession », tient à souligner Anne-Chantal Hardy-Dubernet. « Les hommes aussi ne pensent plus leur métier de la même façon. » Pour la sociologue, la volonté de travailler moins et en équipe s’explique plus par un changement générationnel que par une différence entre les sexes.
Une tendance confirmée par une enquête menée en 2007 par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé : le temps de travail des hommes et des femmes médecins tend à se rapprocher. Cependant, l’étude précise que les raisons de l’aménagement du temps de divergent selon les sexes : « les femmes plus que les hommes se disent prêtes à aménager leur activité pour élever des enfants ou suivre leur conjoint » Quant aux hommes, ils sont plus nombreux à évoquer la volonté de temps libre ou de loisirs.
Pour ces trois femmes médecins, le partage d’une même clientèle présente aussi d’autres avantages. « Dans certains cas, cela nous permet d’avoir différents éclairages », explique le Dr Renaut. « C’est vraiment dans l’intérêt des patients. » Des patients qui acceptent facilement d’être suivis par trois médecins à la fois, malgré quelques réticences du côté des personnes plus âgées.
« Les jeunes médecins ont tendance à être moins paternalistes qu’autrefois vis-à-vis de leurs patients et le travail en équipe apparaît comme une sécurité supplémentaire », explique Marie-France Le Goaziou.
Ce que confirme le Dr Berthome qui rappelle aussi qu’un temps partiel lui permet d’assurer un meilleur suivi : « C’est plus confortable, on ne voit pas 40 patients par jour. Puis, j’ai plus de temps à consacrer à la lecture de revues médicales et pour ma formation continue. »
Au Dr Renaut de préciser que cette nouvelle recherche du temps partiel « bouscule la façon dont ont été pensé les quotas d’entrée en médecine » et risque d’augmenter la pénurie de médecins d’ici cinq ans, où de nombreux départs à la retraite sont attendus.
« Mais ce n’est pas la seule raison », rappelle Anne-Chantal Hardy-Dubernet. « Le problème repose sur le fait que le changement du numerus clausus à l’entrée en première année de médecine ne se fait ressentir que vingt ans après. Or, entre temps, les pratiques ont changé. » Pour la sociologue, une mesure efficace consisterait à ouvrir des passerelles après la seconde année de médecine.
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